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Lyon-Turin, un chantier bien occupé

7 août 2012, 06:54am Publié par La coordination contre le Lyon Turin

Lyon-Turin, un chantier bien occupé

Alors qu’en France, les lobbys, qui œuvrent pour la réalisation du Lyon Turin, tentent de faire croire qu’en Italie, la contestation est matée, la population italienne acquise, et que le chantier a déjà commencé, une autre réalité apparait.

Invitée par les NoTav italiens, une délégation française, composée de savoyards et d’isérois, dont j’étais, s’est rendue le 4 aout 2012 dans le secteur où devrait commencer le chantier, et nous avons pu constater que celui-ci était au point mort.

Nous avons aussi pu constater que les seuls présents sur le terrain sont les militaires italiens, et les militants citoyens opposés à ce projet.

Ces derniers sont d’ailleurs propriétaires d’un grand nombre de terrains de ce secteur, et y ont installés un véritable village, avec son bistrot, son camping, ses sanitaires, une cuisine collective, des campeurs, et des chapiteaux afin d’organiser des réunions.

Il y a même une scène afin de permettre aux artistes de se produire.

Lors de notre visite, nous avons pu échanger des informations de part et d’autre et évoquer des actions communes.

Il a été question de plusieurs actions communes que l’on peut découvrir sur le blog de la coordination.

En fin de matinée, nous étions invités à une marche originale, laquelle passait à proximité des camps militaires installés dans la montagne, et qui finissait dans un coin de pique-nique afin d’y partager les produits locaux puis de participer à un forum avec la centaine de présents, sous l’œil vigilant des forces militaires, qui, équipées de jumelles et d’appareils sophistiqués de prise de vue et de son, tentaient à une centaine de mètres de nous, de comprendre ce qui se disait.

Pendant que certains militants s’activaient à garnir des foyers, couverts de grandes plaques d’ardoises, afin d’y cuire côtelettes, escalopes et autres saucisses, ainsi que des tranches d’aubergines, d’autres lavaient des salades, ou même construisaient avec des planches un logo géant notav.

Tout le long de notre randonnée pédestre, sur une pente escarpée, au milieu de vignes et sous l’impressionnant viaduc de l’autoroute, les cigales nous accompagnaient et au bout d’une petite demi-heure, après avoir contourné plusieurs camps militaires, nous sommes enfin arrivé à notre rendez-vous.

Sur ce sentier de randonnée qui serpente dans le maquis, il a fallu à plusieurs reprises contourner des obstacles de béton, des grilles, que l’armée et la gendarmerie avaient déposé afin d’empêcher le passage des promeneurs.

En effet, ce lieu était auparavant très fréquenté, puisqu’on y trouve un site archéologique remarquable, datant du néolithique, que nous avons pu visiter. lien

Mais l’occupation militaire ne se limite pas au site du chantier.

Lorsque nous sommes arrivés à Chiomonte, petit village de pierre, le plus proche du chantier projeté, un barrage de police filtrant était installé sur la route d’accès, barrage que nous avons contourné pour arriver par un autre chemin.

On est donc très loin de l’ouverture du chantier, pourtant annoncé un peu prématurément par les promoteurs du projet. lien

D’autant que le chantier italien ne consiste pas au percement du tunnel, contrairement aux affirmations des médias, mais seulement à une galerie de reconnaissance, ce qui a été déjà fait en France, et ne fait pas partie du chantier réel, puisque classé chez nous au rang des études.

En début d’année, Thierry Mariani, l’ex-ministre des transports, signait avec Mario Giaccia, un avenant à un nouvel accord récent mais cet ixième accord relevait plus de la communication que de la réalité.

D’après les 2 ministres, l’union européenne financerait 40% du cout total du tunnel de base, estimé dans l’accord à 8,5 milliards, alors que les meilleurs experts évoquent 11 milliards.

D’ailleurs dans le document officiel publié par LTF (Lyon Turin Ferroviaire), le chiffre donné en 2010 est de 10,5 milliards.

La France serait à contribution du reste pour 42,1%, l’Italie finançant 53,9%.

Mais il y a un problème, le compte n’est pas bon puisqu’il reste 4 petits pourcents qui ont manifestement étais oubliés en route, ce qui fait désordre lorsqu’on est, en temps que ministre, à un poste de responsabilité.

Il faut aussi rappeler que l’accord de janvier 2012 est en attente d’un accord qui doit confirmer ce dernier, car à ce jour, il n’y a en réalité aucun financement acquis du projet.

Les déclarations optimistes et peu objectives de Mario Ciaccia, ministre des transports, méritent le détour : il affirme sans sourire que le nouvel accord prendrait en compte « les préoccupations (…) des riverains de la vallée de Suze », ajoutant que les travaux sur le tunnel commencerait en Italie en 2012.

Convaincu, malgré la réalité, que le projet ferait gagner une heure entre Lyon et Turin, il oublie les nombreuses demandes de communes qui réclament un arrêt dans leurs villes, sans tenir compte de la réduction de vitesse que devra obligatoirement faire le TGV lorsqu’il utilisera les 140 km de tunnels additionnés, qui sont la réalité du coté français.

Des arrêts à Bourgoin Jallieu, ou l’Isle d’Abeau, St Jean de Maurienne, Modane, s’ajoutant à Chambéry, cela fait autant de minutes perdues sur l’heure promise.

En effet, un TGV lancé à 300 km/h doit faire plus de 3 km pour un freinage, et tout autant pour repartir. lien

Il faut donc raisonnablement conclure que le temps réel gagné ne serait donc guère supérieur à la demi-heure, ce qui met la minute gagnée à plus de 800 millions.

Il reste donc au ministre italien 5 petits mois pour convaincre les dizaines de milliers de riverains italiens, les militants NOTAV qui encerclent le chantier, tout en espérant que du coté français, le gouvernement changerait d’avis, décidant finalement de gaspiller 25 milliards d’euros pour faire gagner moins d’une heure entre Lyon et Turin.

Ce qui semble mal parti du coté italien, puisqu’en occupant début juin 2012 le site archéologique de la Maddalena, l’appelant « république libre de la Maddalena », s’ils n’ont pu empêcher l’arrivée de 2500 policiers et autres gendarmes ou militaires, les citoyens responsables italiens sont toujours là, et ne partiront pas de si tôt. lien

Du coté français ce n’est guère mieux.

On sait que récemment Jérôme Cahuzac a fait savoir, citant le Lyon Turin, qu’il ne gaspillerait pas de l’argent pour des projets ferroviaires, s’ils sont jugés non rentables, réflexion entérinée par Jean-Marc Ayrault. lien

Pour le nouveau gouvernement, il s’agit de restaurer l’équilibre des finances publiques, et les 14 projets LGV, dont le Lyon Turin, pourraient être sacrifiés sur l’autel de la rigueur. lien

Et puis, si le résultat de l’enquête d’utilité publique est connu, celle-ci n’est pas entérinée par le gouvernement, et les avis et les recommandations sont loin d’être satisfaites.

En effet comment répondre favorablement aux critiques faites en février 2012 par l’autorité environnementale, au nom du ministère français de l’environnement ? lien

Comment satisfaire aux 22 recommandations évoquées par les commissaires enquêteurs dans leurs conclusions ?

De plus, les opposants du coté français vont tout faire pour invalider cette enquête, au motif que la question de la rentabilité n’y a jamais été évoquée, les commissaires laissant aux exploitants le soin d’en apporter la preuve.

Ajoutons pour la bonne bouche que les 2 rapports de la Cour des Comptes (février et juillet 2012) critiquant objectivement le gaspillage généré par l’exploitation du fret ferroviaire à Ayton, n’est pas de nature à être très optimiste pour la suite donnée au projet.

Elle affirme que « pour être lancés, ces investissement doivent d’abord être rentables » (lien) ce qui ne pourra pas être le cas, d’autant que la Cour des Comptes avait déclaré en février 2012 que l’expérience de l’autoroute ferroviaire Alpine n’a atteint aucun des objectifs fixés, et que le nombre de camions franchissant la frontière est le même que celui de 1991.

Aujourd’hui, sous l’impulsion des associations nationales de défense de l’environnement un débat public concernant toutes les traversées alpines est demandé.

Rappelons que la FRAPNA (fédération Rhône alpes de protection de la nature) a demandé un retrait définitif du projet LGV entre Lyon et Chambéry. lien

En effet, comment ne pas s’interroger sur la pertinence du désenclavement du briançonnais, lequel pourrait être résolu par une percée ferroviaire de 12 km à Montgenèvre et qui permettrait le raccordement à la ligne historique italienne, tout en évitant à une partie trafic de marchandises de remonter jusqu’à Lyon ?

La région Paca a d’ailleurs lancé une étude sur un tel projet, lequel est naturellement concurrentiel du Lyon Turin. lien

Depuis 21 ans, tant en France qu’en Italie, on se bat pour que ce projet retourne dans un tiroir dont il n’aurait jamais du sortir, et pourtant, dans l’autre camp, on se refuse à l’évidence, parce que derrière tout ça, on devine des égos politiques et des ambitions financières, nettement marquées par les mafias du BTP.

Comme dit mon vieil ami africain : « le monde flatte l’éléphant, et piétine la fourmi ».

La photo illustrant l’article est d’AlainTamburini.

Merci aux internautes pour leur aide efficace

Olivier Cabanel

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